Suzy Mante-Proust à propos de son oncle Marcel : La boite de pandore (25 juin 1971) + À la recherche d'un film proustien (26 octobre 1983)

07/02/2019


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Parmi les archives radiophoniques que détient le site Internet de France Culture sur et autour de Marcel Proust et d’À la recherche du temps perdu, il en est une, a priori inédite depuis sa première diffusion le 23 janvier 1997, que la station vient de mettre en ligne. Il s’agit de l’émission Lieux de mémoire avec Jean-Yves Tadié, Antoine Compagnon, Thierry Laget, Jean-Marc Leri et le chef Alain Senderens, produite par Philippe Garbit (descendre jusqu'au point n° « 3/ »). Nous nous en réjouissons et en même temps nous en étonnons. Pourquoi Philippe Garbit qui a récemment consacré deux nuits spéciales à Marcel Proust (L’agenda retrouvé de Marcel Proust, 21 novembre 2015 et Une nuit au café concert avec Marcel Proust, 11 juin 2017) n'a t-il pas soumis plus tôt cette archive au choix des invités censés composer le menu des programmes ? L'éventualité de la modestie se pose pour le producteur des Nuits de France Culture qui semble être un connaisseur de longue date de l'oeuvre de Marcel Proust. Mais rien n'est moins sûr. Déroulons le fil.

Dans l'émission Lieux de mémoire de 1997, Philippe Garbit fait part à la minute 40 de sa rencontre 14 ans plus tôt avec une descendante de la famille Proust qui a été contemporaine de Marcel, Suzy Mante-Proust (1903-1986). De son vrai prénom Adrienne, Suzy Mante-Proust est la fille de Robert Proust, frère unique de l'écrivain, qu'elle a sans doute au moins côtoyé jusqu'à ses 19 ans. Philippe Garbit introduit l'enregistrement de son entretien avec la parente alors âgée de 80 ans par ces mots : Un après-midi de 1983, pour France Culture, sans souci ni prétention bien entendu d'éclairer en quoi que ce soit l'oeuvre par une rencontre, j'ai rendu visite tout ému à la nièce de Marcel Proust. On ne pouvait pas faire plus proche par les liens du sang, imaginer mémoire familiale plus fondée, plus légitime. Et dans le salon de l'appartement aux abords du parc Monceau, au-dessus de Suzy Mante-Proust, on apercevait tout de suite en entrant le portrait de Marcel Proust, peint par Jacques-Emile Blanche, ce portrait si souvent reproduit  et que l'on trouve aujourd'hui au musée d'Orsay (40'30''). Seulement 5 minutes sont écoutables de cet entretien extrait d'un documentaire produit par Philippe Garbit pour le compte des Nuits magnétiques et intitulé : À la recherche d’un film proustien (26 octobre 1983, durée d'1h25, jamais rediffusé). 


Jacques-Emile Blanche, Portrait de Marcel Proust, huile sur toile, 1892, Musée d'Orsay, Paris 
Au regret d'en entendre davantage, consolons-nous en écoutant une autre interview de Suzy Mante-Proust, antérieure d'une dizaine d'années à celle de Philippe Garbit, dans ce mémorable numéro de La boîte de pandore (première diffusion le 25 juin 1971).

Encore que. En cherchant bien, l’on peut quand même grappiller quelques minutes supplémentaires de l’émission Nuits magnétiques évoquée ci-dessus en allant jeter une oreille du côté de chez Thomas Baumgartner dans son émission Les passagers de la nuit (série : Les mythologies de poche de la radio). Le 19 février 2010, Philippe Garbit y était invité à commenter deux archives radiophoniques de son choix, dont l’une offre d’écouter les dix premières minutes de sa première production radiophonique pour France Culture : celles précisément d’À la recherche d’un film proustien. Écoutons ce qu'il en dit à Thomas Baumgartner :

C’était simplement pour un lecteur, un admirateur de Proust, rencontrer quelqu’un qui l’avait rencontré, qui l’avait connu, c’était déjà tout à fait… peut-être émouvant - en tout cas, c'était intéressant. Et puis, quand c’est la nièce de Marcel Proust, ça, évidemment, c’a un petit côté nunuche peut-être de vouloir rencontrer le cousin, la cousine, la concierge de je ne sais qui de connu, (…) donc là, c’était Suzy Mante-Proust et c’est vrai que j’ai proposé cette émission aux Nuits magnétiques à Laure Adler, parce que j’avais envie de rencontrer Suzy Mante-Proust. (…) Ça se passait chez elle, bien entendu. On était avec la réalisatrice Marie-France Thivot, et on est allés la rencontrer un après-midi. C’était avenue Van-Dyck [Paris 8e], c’est-à-dire à l’entrée du parc Monceau. Un rez-de-chaussée. On arrive, je suis venu avec un bouquet de fleurs, pas des catleyas, et donc la dame nous fait entrer et nous présente Suzy Mante-Proust, très sympathique, c’est une femme âgée bien entendu. Et là, elle était assise, je ne me souviens absolument pas du décor, à part évidemment, le tableau qui était au-dessus d’elle qui était le tableau de Marcel Proust, jeune, par Jacques-Emile Blanche, qu’on connaît, qu’on voit partout. (6’07’’) 

Patrice Mante-Proust et son épouse Carole en 1972, sous le portrait de Marcel Proust par Jacques-Emile Blanche accroché dans le salon de sa mère Suzy (photographie prélevée sur le site Internet du Figaro)
L’extrait daté de 1983, diffusé en 2010 dans Les mythologies de poche de la radio est situé au début de l'émission À la recherche d'un film proustien. Il comprend d'abord l’achat des droits de la Recherche par Nicole Stéphane (1923-2007) qui ambitionnait de les confier à quelques metteurs en scène en vue d'une ou plusieurs adaptations cinématographiques de l'oeuvre somme. Mais les rares contactés ont tous déclarés forfait sauf Visconti. (...) Malheureusement, ils ne se sont pas entendus avec Nicole, dit Suzy Mante-Proust (12'30'') mais Visconti avait tenu à venir avec moi voir les manuscrits de mon oncle et m'a accompagnée à la Bibliothèque Nationale où il les a vus avec un respect et un amour - je peux dire - qui m'avait beaucoup touchée. Mais d'un autre côté, faire toute la Recherche en film, c'était impossible, parce que c'était trop long. Il fallait le faire pour la télévision en suites, comme on a fait pour autre chose
Photogramme de Céleste de Percy Adlon, 1981.
Le plan joue la mise en abîme de Marcel Proust (incarné par Jürgen Arndt) avec sa représentation peinte par Jacques-Emile Blanche.
Philippe Garbit interroge ensuite la nièce de Marcel Proust sur ses premières lectures d'À la recherche du temps perdu (ce segment recoupe en partie la portion qui a été diffusée dans l'émission Lieux de mémoire de 1997 dans un montage semble t-il différent de l'original). C'a été assez difficile, lui répond-elle, parce qu'il ne voulait pas que je le lise. Pour lui, c'était pas un livre pour une jeune fille. Je l'ai lu quand il était mort, quand j'étais mariée. Alors je n'ai pas pu lui en parler (...). Ce n'était pas pour les jeunes filles. Il était très pudique, très... Il ne voulait pas. Alors mon père [Robert Proust, frère de Marcel] naturellement ne me l'a pas laissée lire puisque Marcel ne le voulait pas. Tout ce que Marcel disait, c'était parole d'évangile. (14'22'') À l'évocation d'Albertine, Suzy Mante-Proust déclare tout de go : Oh Albertine, je ne la vois pas. Et je n'ai pas d'amitié pour elle. (...) Elle m'agace. Je trouve qu'elle est d'une incompréhension... enfin je ne l'aime pas beaucoup. Remarquez, je reconnais qu'elle constitue la fatalité pour le héros. Je pensais à ça ces jours-ci parce que j'ai une petite fille qui a fêté son anniversaire par un goûter dans les chalets de l'Ile du Bois de Boulogne. Chalet où le narrateur invite Melle de Stermaria parce qu'il avait appris par Saint-Loup qu'elle était facile. Il l'invitait à diner, il se faisait une grande joie de la voir. Et puis, est arrivé un pneumatique : « Désolé impossible pour ce soir. » [Cf. Le côté de Guermantes] Alors il est extrêmement déçu. Et à ce moment-là, on sonne. Qui est-ce ? C'est Albertine, qui vient sans être priée, comme ça, une idée. Et c'est la fatalité qui est entrée avec elle. Poursuivant : Albertine, ce n'est pas un portrait. C'est plusieurs déceptions. C'est plusieurs chagrins. Ce n'est pas une personne quelconque comme une femme qui a agi comme ça. C'est une somme de déceptions. Et Albertine disparue, c'est une étude clinique de la jalousie post-mortem. C'est incroyable. Après la mort d'Albertine, ce besoin de rechercher, de savoir, c'est effrayant. C'est la jalousie du passé. C'est la pire, je crois. (...) Je trouve que ce que l'oubli peut devenir, c'est merveilleux.  (17'10'')

À la reprise de l’antenne, Philippe Garbit précise encore : Mon grand regret quand je réentends cette émission évidemment, c’est (…) de ne pas avoir interviewé Suzy Mante-Proust sur autre chose que ce pour quoi je venais la rencontrer (…) J’aurais du faire (…) quelque chose de beaucoup plus long, un À voix nue par exemple. (…) J'aurais pu faire vraiment autre chose, laisser cet enregistrement de côté et le ressortir comme ça des décennies plus tard. (…)

*

Remontons encore un peu dans le temps pour venir à l'émission La boîte de pandore (première diffusion le 25 juin 1971) produite par Jean-François Noël, au moment de laquelle Suzy Mante-Proust a 68 ans. La conversation commence par rouler sur la présence continuelle que représente le portrait de Proust par Jacques-Emile Blanche dans la vie de la nièce, tableau qu'elle a d'abord vu accroché chez son oncle, puis chez ses parents avant de le recueillir dans son appartement. Au producteur qui fait remarquer sur la peinture un catleya à la boutonnière du jeune Marcel, Suzy Mante-Proust corrige : c'est une petite orchidée blanche qu'on trouvait encore autrefois, on n'en voit plus maintenant à Paris. (2'55)

Les circonstances de la mort de Proust sont ensuite l'occasion de confesser le culte dans lequel a grandi la petite nièce pour l'oncle Marcel bien avant de savoir qui il était. Quand mon père a vu que son frère était perdu, il a voulu que je le vois encore vivant. Je l'ai vu râlant hélas, ce qui m'a beaucoup impressionnée (j'étais encore très jeune). Je ne l'ai pas vu sur son lit de mort parce que mes parents ont craint que ça m'impressionne beaucoup, mais j'étais là dans l'appartement de la rue Hamelin [Paris 16e]. J'ai vu arriver tous ses amis. (...) Moi, j'avais une passion pour lui. Il a toujours été pour moi quelqu'un d'extraordinaire quand j'étais enfant. C'était un espèce de magicien qui arrivait, d'ailleurs aux heures les plus inattendues. (...) Dès que j'ai pu le lire, j'ai toujours eu cette impression, et même avant, parce qu'il me paraissait un être tellement exceptionnel, alors on peut peut-être dire qu'il y a un sentiment familial là-dedans, mais moi il m'a toujours éblouie. L'homme était extraordinaire, fascinant et quand j'ai pu le lire, j'ai trouvé qu'il n'y avait pas d'oeuvre qui était supérieure à la sienne. (...) (4'09'')

Le site Internet Le fou de Proust nous permet de déchiffrer la dédicace écrite ci-dessus : Pour madame Claude Roger-Marx. Croquis que j'ai fait d'après Marcel Proust sur son lit de mort. En hommage et en souvenir de l'affection que vous aviez pour lui. A Dunoyer de Segonzac.


Plus loin, un épisode de la fin de vie de Marcel Proust est conté, soit sa visite à l'exposition des maîtres hollandais au musée du Jeu de paume en 1921. Il y avait le tableau de Vermeer que mon oncle préférait à tout qui était La vue de Delft. Il est allé le revoir avec Jean-Louis Vaudoyer. Il m'a raconté lui-même que comme Jean-Louis Vaudoyer voulait l'emmener le matin afin que la lumière fut bonne, il ne s'était pas couché. Il s'était habillé et il était parti pour le musée du Jeu de Paume vers 09h30 du matin ce qui pour lui était une heure extrêmement matinale. (...) Il a eu certainement ce jour-là un pressentiment de sa mort car il a eu un malaise. Et au fond, il fait mourir Bergotte devant ce même tableau. (12'09'') Vérifions sans plus attendre le contrepoint de cette visite par Jean-Louis Vaudoyer lui-même au micro de Jacques Perry, dix ans avant l'interview de Suzy Mante-Proust. Dans l'émission La jeunesse de Marcel Proust (2e partie) diffusée le 04 mai 1961, il déclare : Ce que [Marcel Proust] aimait faire avec moi, c'était des visites dans des expositions. J'étais à ce moment-là critique d'art dans L'opinion (...) et j'avais fait des articles qu'il lisait toujours avec cette indulgence excessive qu'il avait pour tous ses amis. (...) J'avais fait une étude assez longue sur Vermeer qui l'avait frappé au point qu'il s'était rappelé certains passages qu'il attribue à Bergotte [dont celui] sur le fameux petit mur qui avait l'air d'être un émail chinois. (...) En 1921, il y a eu une exposition de la peinture hollandaise où on avait fait venir un de ses tableaux préférés (...) qui est La vue de Delft de Vermeer qu'il considérait comme le plus tableau du monde. Et ce tableau était là et nous avons été le voir. Nous l'avons regardé longuement et puis à un moment, il a fallu qu'il s'assoie parce qu'il se trouvait un peu mal et sur le point de s'évanouir sur cette banquette qui était en face de La vue de Delft. (...) [Là], j'ai vu le mécanisme dont l'écrivain se servait [pour raconter] des événements et des sentiments qu'il avait eus lui-même puisque la mort de Bergotte se passe dans cette salle où nous étions ensemble. Et j'ai donc assisté à la naissance de la mort de Bergotte si on peut dire. C'était à l'Orangerie. Il est tout de suite rentré chez lui. Et nous devions aller voir une exposition Ingres qui avait lieu au même moment dans une autre galerie [mais] il a renoncé à y aller. (1h12'41'')

Retour à La boîte de pandore. S'opposant au producteur Jean-François Noël qui rapporte la réception un peu ésotérique de l'oeuvre dans les premières années suivant sa publication, Suzy Mante-Proust tempère : Moi, je n'ai jamais trouvé cette oeuvre difficile. (...) J'étais née dedans ? Oui et non, parce que mon oncle ne parlait pas de ses livres. Il trouvait d'ailleurs que j'étais trop jeune pour les lire, que ce n'était pas convenable car il était très formaliste. Je les ai lus après sa mort, naturellement. (...) Aux tentations répandues de lire À la recherche du temps perdu comme un roman à clés, elle écarte également d'un revers de main l'association des personnages du livre à l'entourage contemporain de l'auteur. Céleste n'est pas du tout Françoise comme trop de gens l'ont cru. Céleste est entrée beaucoup plus tard dans la vie de mon oncle. Elle était la femme d'Odilon Albaret qui était chauffeur de taxi et qui à ce titre était chauffeur de mon oncle avec un taxi au drapeau toujours baissé (...) Odilon s'était marié très peu de temps avant la guerre de 1914. Et quand la guerre a éclaté, il est venu trouver mon oncle (...) et il lui a dit : « Que va devenir ma jeune femme ? » (...) Et mon oncle lui a dit : « Qu'elle vienne habiter ici, chez moi ». (...) Pour elle, c'a été vraiment un moment merveilleux dans son existence. (17'48'') 

L'émission La boîte de pandore se conclut par une allusion au village d'Illiers, rebaptisé en 1971, année du centenaire de la naissance de Marcel Proust, Illiers-Combray. Les Proust étaient originaires d'Illiers, dit Suzy Mante-Proust. On retrouve des Proust au XVe siècle à Illiers, dans des emplois souvent modestes mais c'est une vieille famille beauceronne. Et mon grand-père, le premier, a quitté Illiers pour faire sa médecine à Paris. (...) Marcel y allait tous les ans parce qu'il y avait une soeur de mon grand-père [Adrien Proust] qui s'était mariée avec un grand marchand de drap d'Illiers [Jules Amiot] (parce que Illiers a souvent fait commerce de draps autrefois). Je crois même qu'il avait un magasin de nouveautés plus qu'un[e boutique] de drap. Mais enfin peu importe. Dans cette petite maison qui est devenue la maison de tante Léonie dont La société des amis [de Marcel Proust] a recréé l'atmosphère, c'est là où mon oncle allait passer ses vacances de Pâques. Et c'est très important parce que leur tante Elizabeth Proust est morte quand mon oncle devait avoir 14 ou 15 ans. Ça, ce sont des choses que mon père m'a dites, parce que moi, je n'ai pas connu tout ça. Alors mon père m'a raconté qu'ils allaient là tous les ans pendant les vacances de Pâques et que par conséquent tous les souvenirs que Marcel avait de Combray-Illiers (puisque maintenant vous savez que Illiers s'appelle Illiers-Combray, une demande du conseil municipal) étaient antérieurs à [l'âge de] 15 ans. Il est retourné à Illiers deux ou trois fois mais jamais comme il y allait avant régulièrement pour Pâques en arrivant avec les premiers soleils, les premières fleurs qui s'ouvraient. (21'11)

Sept ans plus tard, dans une émission diffusée sur France Culture le 27 octobre 1978 Un homme, une ville produite par Jean Montalbetti, Roland Barthes, sur les traces de Marcel Proust à Illiers-Combray, corrobore et précise les dires de Suzy Mante-Proust. Combray, c'est l'enfance de Proust. Il y est venu étant enfant pour des vacances principalement à Pâques (...) mais aussi probablement l'été puisqu'il y a des souvenirs de fortes chaleurs à Combray. Et en réalité, il n'y est plus venu beaucoup après l'enfance et l'adolescence [parce qu'] à partir du moment où sa première crise d'asthme s'est déclenchée, il ne lui était plus possible d'aller très facilement dans des lieux où la nature était présente, où les fleurs étaient présentes. Et au fond toute cette admirable page qu'il y a dans l'oeuvre sur les aubépines ou même sur les lilas, ce n'était plus possible à partir du moment où il a éprouvé les effets de cette redoutable allergie qui lui interdisait de respirer des odeurs de fleurs. (...) La mémoire de l'enfance n'est pas la mémoire de l'adulte. (...) Tout ce qui est plus ancien est l'objet d'un souvenir beaucoup plus précis que ce qui est plus récent. C'est une loi psychologique du fonctionnement de la mémoire et de l'amnésie. (6'59'')

En attendant de pouvoir écouter un jour la première émission de Philippe Garbit datant de 1983, finissons de dérouler le fil des interventions radiophoniques de Suzy Mante-Proust avec cette émission citée brièvement plus haut : La jeunesse de Marcel Proust (2e partie), produite par Jacques Perry (première diffusion le 04 mai 1961). À l'époque, la nièce de l'écrivain âgée de 58 ans narre le temps de quatre petites minutes une anecdote d'enfance autour d'un flamand rose avant de conclure son interview par un autre souvenir, d'un autre ordre (...). C'était il y a quelques années, on a baptisé une place Marcel Proust à Cabourg (...) et j'étais chez Jacques de Lacretelle. (...) Après [son discours] il m'a présenté un homme d'une soixantaine d'années qui avait été plombier (...). Ce plombier avait connu mon oncle parce qu'il faisait des travaux au Grand hôtel de Cabourg où mon oncle habitait. Il m'a fait visiter l'hôtel qui était encore très abîmé depuis la guerre et il m'a montré la chambre où était mon oncle qui était en effet tout à fait en haut entre deux chambres qu'il louait également et de l'autre côté du couloir habitait le directeur de l'hôtel. Il m'a ensuite emmené sur le toit pour me montrer une vue merveilleuse et il m'a dit : « Voyez, Madame, là il y a des caisses d'eau qui fuyaient quelquefois, alors on me faisait demander de la part de M. Proust parce que ça faisait du bruit. Alors là, quand je passais au-dessus de sa chambre, m'a t-il dit, je mettais un tapis ». Il avait compris. (1h 07'54'')

Un mot relie toutes ces archives, entre 1961, 1971 et 1983 : celui de magicien chaque fois prononcé par Suzy Mante-Proust pour convoquer la mémoire de son oncle Marcel Proust.

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